Développons le tourisme durable ! L’impératif présent

Le tourisme est un secteur d’activité de première importance dans le monde. En France, il pèse 60 milliards d’euros et déplace presque 100 millions de touristes, français ou internationaux. Mais, c’est également un des secteurs qui provoque le plus de réactions, qu’elles soient positives ou négatives depuis son avènement dans les années 80.

Pour les touristes, l’avènement et la multiplication des transports aériens à bas prix et des offres de séjours « tout compris » ont signifié un monde rétréci, des cultures étrangères plus accessibles et des paysages paradisiaques à portée de bourses. Pour les opérateurs et les promoteurs de tourisme, il est synonyme d’une véritable industrie depuis la création de Thomas Cook ou du Club Méditerranée. Une industrie qui, comme dans d’autres secteurs (musique ; production tv ; production cinéma) a tendance à se concentrer en monopoles en avalant, les unes après les autres les petites structures d’hébergements, qu’elles soient camping ou hôtelières, familiales ou pas. De fait, les modèles économiques de ces petits groupes devenus grands (trop grands) sont très souvent articulés autour d’un modèle de masse qui va l’encontre d’un tourisme responsable et solidaire, vertueux et bas carbone.

Pour les résidents et les collectivités situés dans ces zones touristiques l’addition n’est pas toujours positive. Si, au départ l’éventualité d’une économie décuplée par l’arrivée de milliers, voire de millions de touristes a pu séduire, le sur-tourisme, aidé par les modèles d’infrastructures faisant la part belle au tourisme de masse est un facteur devenu aujourd’hui à risques.

Risques sur l’environnement, sur le patrimoine visité et au final sur l’économie locale.

Les déplacements sont le plus souvent effectués en avion, puis en voitures (rarement via le train, hormis pour les trajets infranationaux). Ces déplacements sont générateurs de pollutions, d’embouteillages (là où ils n’existent pas) et de nuisances auxquelles les vacanciers entendent pourtant échapper en se rendant dans leurs lieux de villégiatures. Les attentes des clients étant de plus axées sur la qualité de leur environnement, ils visent, depuis plusieurs années des sites moins fréquentés, des zones moins « touristiques » et des communes éloignées du littoral et des grands centres touristiques. La multiplication des offres d’hébergements de segmentation moyenne dans ces zones « reculées » sont la preuve de ce nouveau marché du tourisme en zone rurale. Ce faisant, ces zones de nature et de tranquillité sont parfois transformées en zones touristiques de masse.

Les offres de villégiatures, qu’elles soient campings, HPA ou hôtels sont souvent des unités de grosses capacités n’intégrant pas, à la base une philosophie durable, jouant la surenchère en termes d’activités et de restauration internalisées et qui ne laissent qu’une maigre part des dépenses de leurs clients à l’économie locale. Pourtant, ces zones sont souvent en souffrance économique et la captation et la captivité économique toujours croissante des touristes par ces acteurs est un non sens.

Pour les communes accueillant ces sites et leurs touristes, l’enjeu est intenable. Les infrastructures communales et intercommunales ne sont pas dimensionnées pour accueillir autant de visiteurs sur des périodes si courtes. Leurs moyens humains, non plus. Les zones géographiques les plus prisées par les « vacanciers ruraux » sont souvent de petites communes et de petits villages qui se voient submergés en pleine saison et dont la population peut décupler pendant la période la plus forte de l’année. Pour accueillir ce flot de touristes et cette manne économique, les groupes de promoteurs touristiques ont vu large. Très large même parfois. Il n’est pas rare de voir, dans des communes de 1000 à 3000 âmes l’hiver, un seul camping d’une capacité dépassant largement le nombre d’habitants, à pleine charge l’été !

Un vrai casse tête pour les mairies et les collectivités. Mais également pour la vie quotidienne des citoyens des zones touristiques. Très souvent, cela entraine la fuite des résidents historiques pendant la saison la plus forte. Résidents qui n’hésitent plus à faire appel à des opérateurs comme Airbnb ou Guest Ready pour louer leurs logements délaissés l’été, à des touristes supplémentaires. Cela entraine, également, une crise du logement et une flambée des prix de la location immobilière dans certaines zones.

Ce casse tête touche tous les niveaux de l’infrastructure des communes : circulation, déchets, sous dimensionnement du retraitement des eaux, du réseau d’énergie, impact global sur l’environnement…

C’est dans ce sens, notamment qu’a été instaurée la taxe de séjour. Destinée aux communes ou communautés de communes, elle permet souvent de financer les coûts induits par le tourisme, notamment le financement de l’organisation touristique locale. A hauteur de 1 à 5% du prix de la nuitée, généralement. Il faut faire remarquer ici que cette taxe de séjour permet, également de financer les offices du tourisme pour faire…la promotion du tourisme ! Etant donné que ce seront les plus grosses unités qui paieront le plus de taxe de séjours, c’est un peu le serpent qui se mord la queue, jusqu’à la nuque.

Le tourisme, comme beaucoup d’autres secteurs d’activité doit urgemment repenser son modèle et le voir, dorénavant comme un écosystème.

L’économie verte :

En route depuis plusieurs années (avec plus ou moins de soutiens des gouvernements, des administrations locales, des citoyens) entend mettre en exergue toutes les solutions durables, techniques et vertes au service d’un secteur d’activité.

Les modèles de plusieurs centaines de mobile home ou bungalows  doivent se renouveler. Les sites touristiques qui captent la majorité des dépenses des touristes en leur proposant un supplément d’activités (aquatiques ; divertissements ; restauration ; supermarchés internes…) se doivent de prendre plus souvent en compte le tissus économique local.

Il est très rare qu’une zone touristique, même rurale ne bénéficie pas déjà d’entreprises, de commerces ou d’associations locales proposant ces activités et ces services. Il convient de privilégier cette économie locale.    

Dans son nouveau modèle, le tourisme responsable/durable promeut des sites à taille humaine (de 20 à 50 emplacements en HLL). Il ne voit plus le rendement maximal comme priorité, ni la captivité économique des clients.

Il entend produire des EnR sur site et la ré-injecte dans le réseau local. En période de fermeture et de surproduction pour l’autoconsommation. Et en continu en cas d’installation en cas de tiers investissements.

Il intègre des systèmes de retraitement des eaux naturels qui minimisent la consommation et enrichissent le biotope locale. 

Le tourisme durable réfléchit, en amont à mettre en place des solutions de sobriété sans mordre sur la sérénité des séjours et le confort des touristes.

Il entend minimiser et recycler les déchets ménagers et organiques.

Il oeuvre pour limiter les rejets polluants (phytosanitaires) en les éliminant à la source.

Il préserve et enrichit le biotope existant grâce à la ré-humidification des espaces d’exploitation (en zones arides).

Il promeut également un charte de bonne conduite à ses clients et les incite, via des parcours et des échanges ludiques à prendre connaissance des solutions de minimisation de la consommation énergétique et de matières premières. 

Le tourisme durable privilégie les filières locales, que ce soit pendant la phase de construction, l’utilisation des matériaux (filières bois) ou pour l’alimentation des clients en petite restauration sur site (produit locaux) ou en livraisons hors site.

L’économie bleue (économie 3.0) va encore plus loin :

En plus d’utiliser les solutions de la green tech et de mettre en place des circuits courts et vertueux, elle entend recycler, réutiliser et, comme dans un écosystème naturel, atteindre une boucle parfaite. Ceci constitue l’étape suivante du tourisme durable. 

  1. La réversibilité et la résilience : Il faut repenser les plans d’implantations et d’exploitations des sites de tourisme pour en venir au durable. Dans ce cadre, il est difficile d’ouvrir de nouvelles unités qui envisagent de faire cohabiter plusieurs milliers de vacanciers dans plusieurs centaines de bungalows d’un même site dont les espacements sont de 5 à 10m tout au plus. Avec des études d’architectes et d’ingénieurs en éco-constructions sérieuses, on peut repenser l’hébergement locatif touristique et privilégier le confort, qu’il soit en lien avec l’hébergement, la sérénité du séjour (avec une réelle privatisation de son HLL) ou la dépense énergétique. Comme matériaux principal de l’ossature des HLL, les essences de bois s’imposent. De préférence de filières locales (même si la filière bois française est aujourd’hui désorganisée), sans pour autant contrevenir aux règlementations du bâtiment. Il est pérenne dans le temps et peut être traité pour convenir aux règlements de sécurité incendie incombants aux ERP. Sans fondations, le HLL éco-conçu est fixé sur pilotis après un léger terrassement. Ce qui lui permet d’être démontable aisément et de ne pas craindre les inondations ; un des dangers les plus préoccupants du changement climatique. Il permet  la bio climatisation qui doit, obligatoirement faire l’objet d’études en amont des zones géographiques et terrains sur lesquels elles s’implantent. La bio climatisation permet de minimiser l’apport nécessaire en chauffage hors saison (par EnR) et, surtout la climatisation en période estivale. Le changement climatique n’étant pas parti pour faire marche arrière, c’est sur ce point, principalement que les efforts doivent être portés pour rafraîchir les sites exposés aux chaleurs fortes. Dans ce sens, l’étude des zones du choix d’implantation est également essentielle.
  2. Les EnR et l’autoconsommation : Avec des installations photovoltaïques de petite ou moyenne capacité (toits, ombrières, centrale au sol), il est possible aujourd’hui de produire une forte capacité d’EnR sur site pour de l’autoconsommation ou/et de la revente. Le stockage peut se faire sur batteries Li-Ion ou, de suivant la zone géographique, par forçage d’eau. L’avenir verra surement l’hydrogène s’imposer, comme source de production d’EnR ou de stockage : avec une pile à combustible inversé en bout de chaine, des panneaux solaires peuvent produire de l’hydrogène à partir de l’eau. Une fois stockée, l’hydrogène permet de produire des EnR. 
  3. L’agri-tourisme/l’agri-voltaïsme : En mixant l’offre touristique, l’agriculture locale et la culture intercalaire, des terrains et domaines délaissés par l’exploitation oléicole (Méditerranée), légumière ou fruitière peuvent reprendre vie et proposer une offre HLL sous forme de camping à la ferme tout en donnant aux clients le loisir de découvrir la culture maraîchère, qu’elle soit en permaculture, en culture bio ou raisonnée. Elle ouvre la porte à une source de revenus supplémentaires à de nombreux résidents et exploitants de moyenne montagne. Accompagnée d’une installation photovoltaïque sur bâtiments ou au sol, il est possible d’augmenter les rendements de terrains peu fertiles. Une installation PV au sol se compose de strings (éléments porteurs des panneaux) fixés au sol, qui peuvent être orientables ou non (pour suivre la courbe du soleil). Leurs fondations ont de faibles empreintes au sol. Sur ces strings, à 1m du sol environ sont fixés les panneaux solaires qui sont, aujourd’hui d’un rendement de 20 à 26% (26% de la puissance photovoltaïque du soleil est convertie en EnR). Les strings sont disposées en ligne et espacées de 1m50 environ. Entre chacune de ces lignes, la culture intercalaire est possible. Soit en laissant la nature faire son œuvre, soit en choisissant des espèces méllifères qui constitueront la nourriture de base des abeilles et une situation de choix pour l’apiculture. L’ombre portée par les string et l’absence totale de présence humaine (hormis entretien) au sein de ces centrales solaires bénéficient grandement à la pousse de ces espèces et au respect des abeilles et d’autres butineurs. De plus, la terre se retrouvant protégée des UV, elle devient plus fraiche et retient plus facilement l’eau de pluie. Evitant les ruissellements d’orage et favorisant le bilan carbone par multiplication du micobiote au sol. L’espacement des string et la courbe du soleil permettent le partage de la lumière. Mais il est également possible de mettre en place des cultures intercalaires légumières (agrumes, arachides, aubergines, concombres, choux, riz, vignes, champignons…) et de faire intervenir, en débroussaillement des élevages de chèvres ou moutons (préférablement des moutons, car les chèvres peuvent s’amuser à grimper sur les strings). 
  4. L’oeno-voltaïsme/l’oeno-tourisme : il a été prouvé qu’intercaler des pieds de vigne et des string photovoltaïques pouvait augmenter les rendements des viticulteurs. Sans oublier l’auto consommation d’EnR qui servira directement au chai. Des chais qui, de plus en plus s’ouvrent au public et même à l’hébergement touristique sur certains domaines. 
  5. L’assainissement naturel : Avec des filtres plantés, qui sont des bassins de filtrages naturels pour les eaux grises et noires, il est possible de traiter les eaux du site sans être raccordé au tout à l’égout. L’eau traitée pourra être contenue dans des bassins de rétention (stockage SDIS) ou servir à ré humidifier une zone pour enrichir la faune et la flore locale (notamment dans les secteurs méditerranéens). Avec une installation UV ou ionisante en sortie (alimentée par les EnR), il est possible de traiter et de réutiliser presque 100% de l’eau utilisée en départ de chaine pour la réinjecter, à minima dans un circuit secondaire pour les sanitaires et, à maxima, pour l’eau d’arrosage et de consommation.
  6. Le « non phyto » : Eviter les produits phytosanitaires, notamment en pensant, à la base la conception des piscines (naturelles ou ozone), des hébergements (matériaux bactéricides ; peintures sans solvants) ou des espaces publics donne l’occasion aux clients de prendre conscience que les substances chimiques auxquelles on les a habitués ne sont généralement pas nécessaires. Avec un système naturel de filtrage de l’eau des piscines par des plantes, on obtient des piscines naturelles dont l’eau verdoyante rappellera les cours d’eau des rivières. Avec un système à l’ozone qui est un gaz permettant de traiter l’eau de la piscine, on a un système naturel, bactéricide, biocide, germinicide et désinfectant.
  7. La mobilité douce : En mettant à disposition des racks de vélos électriques et leurs bornes de recharges (EnR), on incite les clients à utiliser les mobilités douces (et à laisser les véhicules thermiques au parking). Idem pour les bornes de recharges pour VE et hybrides ; même si le débat reste ouvert sur leur bilan carbone si on intègre le bilan de leur fabrication et celui de la production de l’électricité nécessaire (ce qui, pour le bilan carbone des véhicules thermiques n’est jamais pris en compte).
  8. La défense parcellaire et la préservation du biotope : En dessinant des plans d’implantation prenant en compte le biotope naturel et une défense parcellaire pour le DECI (défense extérieur contre les incendies), on permet une sécurité maximale pour la protection des clients et des employés et un enrichissement sensible de la richesse de ce biotope. Là où l’homme, depuis des siècles a maintes fois modifié le biotope en coupant, replantant, défrichant…quasiment 100% des zones dites naturelles ont été artificialisées par l’homme au cours des ages. La règle dite de « la dalle de bitume » pour convenir aux règlements DECI ne doit plus être la norme. 
  9. La permaculture, l’hydroponie, l’aquaponie : Sur les surfaces qui le permettent, il faut créer sa propre réserve alimentaire. La permaculture, l’hydroponie, l’aquaponie permettent cela sans trop de difficultés. Même sur des terres arides ou peu riches, la permaculture permet, par apport en buttes et recyclage du compost produit par les bassins de filtration ou les composteurs de produire des légumes et des fruits en laissant la nature prospérer et s’occuper de la lutte anti parasites ou nuisibles (en choisissant les espèces floristiques intercalaires). L’hydroponie, parfois couplée à l’aquaponie permet de faire pousser des végétaux sans terre, sur un substrat minéral (billes d’argile ; laine de roche…). L’aquaponie permet de mettre en place des fermes d’élevages de poissons qui, parfois peuvent être alimentés en nutriments par les déchets de l’hydroponie.
  10. Sobriété. Des sites à taille humaine : A l’opposé du tourisme de masse, il faut penser les sites de tourisme durable à taille humaine. Avec 20 à 50 emplacements maximum par site (de 1 à 6 personnes par HLL), il est possible de tenir la promesse du développement durable et de ne pas tomber dans un green washing qui tend à éclore ici et là. De plus, ce modèle à taille humaine permet de limiter le bilan carbone de la construction jusqu’à l’exploitation, de limiter la dépense énergétique et de matières premières et de promettre aux clients une sérénité et un calme rarement proposés en HPA (plus de 50m entre chaque habitation). Ce qui n’est pas contradictoire avec un business modèle économique positif (mais loin des modèles dont les bénéfices et le costkilling sont les seuls leitmotiv). Avec des modèles trop gourmands, souffrant d’une trop grande inertie au niveau du modèle économique et de leurs infrastructures, les sites existants, dans leurs grandes majorités auront du mal à se transformer du jour au lendemain. Il est donc important que l’appareil législatif se dote des outils nécessaires pour faciliter et aider les nouveaux projets (UTN par exemple) et les nouvelles installations, ainsi que la réhabilitations de petites sites touristiques (communaux ou privés).

Il nous faut dépasser le modèle dominé par la réduction des coûts pour privilégier la stratégie consistant à créer de la valeur avec tout ce qui est disponible localement.

La valeur ajoutée de toutes ces dispositions est indéniable pour l’environnement.

Mais pas seulement. La forte croissante de la demande pour un tourisme responsable et durable met en avant l’aspect de l’impact sur les séjours et sur l’économie locale.

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